Les traitements antirétroviraux contre le VIH/SIDA, en freinant l'évolution du virus, permettent aux personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de vivre avec la maladie. D'un point de vue médical, cette chronicisation de l'infection rend le concept de guérison inapproprié. Pour autant le terme de guérison est loin d'avoir disparu du vocabulaire des soignants et des soignés. L'analyse des discours de professionnels de santé et de PVVIH recueillis dans le cadre d'une recherche anthropologique réalisée à Kayes au Mali en 2008-2009 sur un site de prise en charge hospitalière permet de mettre en exergue différentes conceptions de la guérison ainsi que des usages différenciés du concept de guérison.
Si, du point de vue des soignants, la guérison signe la fin de la maladie, elle est du point de vue des soignés associée à la disparition de symptômes ainsi qu'à un retour aux activités ordinaires. Dès lors, les PVVIH rencontrées parlent de guérison des « petites maladies », c'est-à-dire des maladies associées à l'infection à VIH, qu'ils perçoivent comme un signe de « bonne santé » encourageant. Les soignants parlent alors d'une « illusion » de la guérison, associée à un risque potentiel de non observance thérapeutique voire d'abandon de suivi médical. La tendance est alors à éviter le terme de guérison dans leurs discours. Comment ces conceptions différentes de la guérison peuvent-elles entrer en conflit ? Quel en est l'impact sur la communication soignants-soignés et la continuité du suivi médical des patients ?
Après avoir mis en évidence les significations de la guérison identifiées parmi les différents acteurs ainsi que les usages différenciés du concept, je montrerai comment les PVVIH se réapproprient la notion de guérison et quelles en sont les ambivalences. Enfin, nous verrons comment les PVVIH peuvent faire de cette guérison des « petites maladies » un leitmotiv pour un suivi médical au long cours. Ceci amènera alors à interroger la notion de guérison dans le cadre des maladies chroniques.
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