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L'iboga plante miracle ou plante tueuse ? Parcours de "guérison" d'un Français initié au bwiti et à l'iboga au Gabon
Nadège Chabloz  1@  
1 : Institut des mondes africains  (IMAF)  -  Site web
Institut de Recherche pour le Développement - IRD (FRANCE), Aix Marseille Université, École Pratique des Hautes Études [EPHE], Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), CNRS : UMR8171
Institut des mondes africains - 9, rue Malher 75004 Paris -  France

À partir de l'ethnographie d'une biographie singulière entre 2007 et 2014, celle de Yann, un Français de 40 ans initié au bwiti au Gabon, cette communication propose d'explorer les cohérences et les dissonances autour d'un cas de « guérison ». L'iboga, la plante psychotrope dont les racines sont ingérées dans le rite initiatique gabonais du bwiti, s'est insérée dans les années 1960 dans le mouvement psychédélique à visée thérapeutique pour le traitement contre les dépendances aux drogues et dans le cadre de la « narcoanalyse » initiée avec le LSD sur le continent américain. Elle est toujours considérée par des expérimentateurs occidentaux comme une « plante miracle », à la fois pourvoyeuse de guérison physique (permettant l'arrêt de différentes addictions grâce à ses effets physiologiques) et psychologique (permettant une sorte de psychanalyse accélérée grâce aux visions qu'elle procure).

Alors qu'elle est classée patrimoine national par le gouvernement gabonais depuis 2000, l'iboga est interdite dans plusieurs pays comme la France, dont les autorités sanitaires l'ont classée stupéfiant de catégorie IV depuis le décès d'un jeune toxicomane ayant ingéré de l'iboga en Ardèche en 2007. Ainsi, d'anciens toxicomanes tel que Yann, persuadé d'avoir résolu ses problèmes psychologiques et ses addictions grâce à l'iboga et au bwiti, ayant acquis au Gabon le statut valorisé d' « initié », de « guéri », voire de « guérisseur », se retrouve renvoyé en France au statut stigmatisant et excluant de « drogué », de « malade », jugé en 2013 incapable de s'occuper de ses enfants par le Tribunal de grande instance de Versailles du fait de son expérimentation de l'iboga.

En s'appuyant sur des extraits d'un film documentaire que j'ai réalisé sur le parcours de Yann entre la France et le Gabon, cette communication décrit la diversité des signes de la guérison et de la maladie, leurs perceptions par l'initié et ses proches, l'initiateur, les institutions étatiques et juridiques (telles que le Tribunal de grande instance de Versailles, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, Miviludes). Cette description permettra l'analyse des décalages de ces perceptions qui relèvent à la fois du rapport entre l'individu et le collectif, de la confrontation entre des modèles sanitaires et juridiques transnationaux ainsi que d'une vision primitiviste et postcoloniale des rites initiatiques et thérapeutiques africains.


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