« Guérir, diminuer les troubles, améliorer ? » Les thérapies cognitives et comportementales à l'épreuve de la guérison.
Elsa Forner-Ordioni  1, 2@  
1 : Institut Marcel Mauss  (IMM-LIER)  -  Site web
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS)
10 rue monsieur le Prince 75006 Paris -  France
2 : École des hautes études en sciences sociales  (EHESS)  -  Site web
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS)
10 rue Monsieur Le Prince -  France

 

Les thérapies cognitives et comportementales ont fait l'objet de rapports d'évaluation (INSERM 2004) mettant en évidence leur efficacité supérieure dans le traitement des troubles psychiques. Leur adoption en milieu hospitalier correspond à une forme d'innovation thérapeutique qui permettrait, notamment par l'application de protocoles précis, faciles à énoncer et à contrôler, d'homogénéiser les pratiques thérapeutiques d'un lieu à un autre. La valorisation d'un tel dispositif s'appuie sur la reconnaissance par les professionnels de la classification nosographique du DSM et s'illustre par une définition spécifique de trajectoire de la maladie organisée autour de la notion de « trouble ». Enfin, les TCC sont par ailleurs supposées faciliter la prise en charge en ambulatoire des patients et permettre une progression rapide de cette prise en charge vers une éducation thérapeutique. A ce titre, elles satisfont les contraintes économiques du secteur hospitalier, ainsi qu'une certaine politique d'autonomisation des usagers.

Pour autant, elles posent un ensemble de problèmes organisationnels aux praticiens qui s'en saisissent. L'évaluation du travail psychothérapeutique demeure une gageure : comment quantifier et valoriser l'efficacité de psychothérapies qui ciblent des troubles dont on ne connaît pas – pour beaucoup - la cause exacte ; qui engagent patient et thérapeute dans une relation psychothérapeutique de nature singulière ?

Une enquête ethnographique de plusieurs mois alliant observations et entretiens au sein d'un service de psychiatrie adulte nous a permis de mettre en perspective la façon dont les acteurs argumentent, défendent, construisent et évaluent les effets de leur travail psychothérapeutique. Quels outils et définitions mobilisent ces acteurs au cours de leur travail pour évaluer l'état du patient ? A quels répertoires de justification font-ils appel pour défendre leur conception de la guérison ou encore arguer de l'efficacité d'une thérapie par rapport à une autre ? Comment quantifier les effets d'un travail psychothérapeutique qualitatif et singulier ? Différents régimes de la preuve sont mobilisés et entrent en concurrence pour définir la guérison, le rétablissement, ou encore l'amélioration : observations et entretiens cliniques, statistiques, fluidité de la file active ; les praticiens s'appuient sur différents éléments pour légitimer ces jugements. Quelle conception de la guérison est mise en œuvre par ces praticiens, à l'épreuve des thérapies cognitives et comportementales ?



  • Son
Personnes connectées : 1