En Mauritanie, l'offre de soin spécialisée s'agissant des maladies chroniques est lacunaire et fragmentée. Les maladies comme la drépanocytose, le diabète, l'épilepsie sont relativement peu connues par les Mauritaniens et demeurent sous-diagnostiquées.
Nous proposons de présenter les dissonances autour de la guérison d'enfants souffrant de maux répétés, et leurs enjeux s'agissant de la prise en charge médicale. L'analyse s'appuie sur l'étude de cas d'une vingtaine d'enfants souffrant de maux répétés, chez lesquels une maladie chronique a été diagnostiquée ou non. Des éléments complémentaires sont issus d'entretiens documentant les conceptions populaires des maladies.
Lorsque les « maux » reviennent, les parents alternent quête du thérapeute qui saura les guérir et banalisation du problème de santé. Le modèle de guérison des maladies ponctuelles domine les savoirs populaires. Sur fond de méfiance à l'égard des professionnels de santé, les parents sont suspicieux face aux propositions de suivis médicaux sur le long terme. Renchérissant l'espoir de guérison, les guérisseurs ont coutume d'affirmer que si la maladie dure, c'est que les précédents thérapeutes ne l'on pas « vue », ne la « connaissent » pas. L'incompréhension de l'impossible guérison engendre la contestation des compétences biomédicales. En l'absence de diagnostic médical réalisé, communiqué et compris, les enfants souffrant de maux répétés peuvent finalement être considérés comme enfants « faibles » ou « maladifs » ne nécessitant pas de soins spécialisés.
Ces dissonances traduisent l'écart culturel entre les savoirs populaires et médicaux, et les difficultés de communication dans la relation thérapeutique. Elles relèvent également d'arrangements avec la réalité d'une chronicité des maux difficilement acceptable, qui met en cause les soins maternels, terni l'avenir de l'enfant, engendre des coûts inconcevables pour des économies domestiques précaires.