Les patients arrivent à la clinique de la douleur avec leur liste de médicament de 2-3 pages, avec leur histoire de tous les traitements qui n'ont pas fonctionné, avec leur liste d'effets secondaires et de complications reliées aux traitements. Et ils espèrent que le prochain traitement va les « guérir ».
Quand on demande au patient ce qu'il entend par guérir, il nous répond souvent, à la manière de la publicité de « tylénol »: « retrouver son état normal, quel que soit l'état normal ».
Le problème, c'est que c'est, en totalité ou en partie, le mode de vie d'avant qui a favorisé le développement et/ou la persistance de la douleur chronique. Par le mode vie, j'inclus l'horaire imposé, les conditions de travail imposées, les techniques de travail, la gestion du sommeil et du repos, la gestion du stress, la gestion des substances (tabac alcool, drogues, médications) et les stratégies d'arrêts (stopping rules).
Notre stratégie en traitement de la douleur chronique est d'amener le patient à se fixer des objectifs atteignables, à modifier ses stratégies, sa façon de communiquer, à changer ses habitudes de vie, à gérer la prise de substances. Et, progressivement, la plupart des patients atteignent leur objectif, améliorent leur qualité de vie et leur capacité physique. Mais sont-ils guéris? Quand est-ce qu'on arrête le suivi de réhabilitation? Quand ils peuvent faire leurs activités quotidiennes sans douleur? Quand ils peuvent retourner travailler? Quand ils peuvent recommencer leur sport favori? Quand ils réussissent à sevrer de leurs médicaments?
La question de ce qu'est la guérison a clairement une dimension pratique : quand décider que le patient n'a plus besoin de nos soins ? Notre groupe a développé une réponse pratique : le patient a congé quand il se sent autonome à gérer son problème de douleur chronique.
La question a également une dimension de perception de soi : Au début des rencontres , le patient en douleur chronique se sent comme une victime de la maladie, une victime aussi du système social. Il se sent totalement dépendant et à la merci des professionnels qui le traitent. Il se sent aussi diminué, impuissant, indigne, sans valeur, une charge pour son entourage. La guérison passe alors par un sentiment d'autonomie face à la maladie, face aux professionnels, et ce, par la redécouverte de sa propre valeur et de ses propres compétences.
La question implique finalement une dimension éthique : Celle du respect de l'autonomie et de la dignité du patient.
Nous aimerions donc défendre le concept que la guérison inclut forcément des changements de croyances et des changements de stratégies autant chez les professionnels que chez les patients souffrant de douleur chronique.