À partir des résultats d'une enquête ethnographique de longue durée portant sur l'expérience vécue (illness experience) de personnes vivant avec le VIH, cette présentation se propose d'examiner le rôle de la foi et des pratiques religieuses (lecture de la Bible, prière, jeûne, etc.) dans la quête de soins et de bien-être des personnes vivant avec le VIH aux îles Fidji. Dans ce pays du Pacifique où le Christianisme constitue l'un des principaux cadres moraux à partir desquels la maladie est comprise et vécue et où les Églises pentecôtistes connaissent un essor fulgurant, les personnes vivant avec le VIH identifient trois apports de la foi et des pratiques religieuses à leur santé, apports qu'elles associent à de véritables formes de « guérison ». Une première forme de guérison est qualifiée, par les personnes séropositives, de « guérison spirituelle » et réfère aux sentiments de réconfort, de paix et d'espoir que procure, chez plusieurs malades, la pratique religieuse. Une deuxième forme de guérison peut être qualifiée de morale et renvoie aux recours, par les personnes séropositives, aux pratiques religieuses comme façon d'« être guéries de leurs péchés » et d'« être sauvées » lors du Jugement dernier. Une troisième forme de guérison est finalement d'ordre physiologique. Une majorité de personnes vivant avec le VIH aux îles Fidji croient en effet que lire la Bible, prier et jeûner peut avoir des effets bénéfiques sur leur santé en mettant fin à certaines infections opportunistes et en renforçant leurs défenses immunitaires. Il est également admis que les pratiques religieuses peuvent donner lieu à des « guérisons miraculeuses », c'est-à-dire à la suppression du VIH, lorsque la foi des personnes séropositives est suffisamment forte et lorsque Dieu le veut. C'est donc sur les effets de la foi et des pratiques religieuses sur la santé des personnes vivant avec le VIH, et sur l'utilisation, par ces dernières, du concept de guérison pour y référer, que cette présentation se propose de se pencher. La présentation examine également les implications de cette conception de la guérison sur un objet d'étude important en anthropologie du sida : celui de l'observance aux traitements antirétroviraux et à la prise en charge médicale du VIH.