Peut-on guérir pour de mauvaises raisons ?
Jean-Félix Gross  1@  
1 : Institut de recherches philosophiques de Lyon  (IRPhiL)  -  Site web
Université Jean Moulin - Lyon III : EA4187
Université Jean Moulin - Lyon3 18, rue Chevreul 69007 Lyon -  France

Une expérience menée par le professeur Benedetti[1] sur l'administration d'analgésique après une opération conclus : un placebo présenté à un patient comme un analgésique, se trouve être plus efficace qu'une injection d'analgésique dissimulée au patient.

Cette expérience nous bouscule, car elle met à mal notre conception d'une pharmacodynamie pilier de la médecine moderne. Si je donne une materia medica, quel que soit son mode de présentation, cela devrait toujours être plus efficace que rien. On objectera, avec raison, que le domaine de la douleur est un domaine subjectif et qu'il est dès lors précipité de conclure à une non efficacité de la pharmacologie moderne sur cette base.

Le problème survient quand on se demande ce qui compte le plus : le fait que le patient avec le vrai analgésique présenté comme placebo soit anxieux et dès lors réclame un vrai traitement ? Ou que le patient sous placebo bénéficie d'une réelle amélioration ?

Pourquoi ne serait-il pas acceptable que les patients sous placebo ressentent effectivement moins de douleur ? Il semble parfois que si l'on guérit via un effet placebo, notre mal soit aussitôt discrédité. Si le remède est faux, alors le mal aussi l'était. Pourtant, on voit bien avec notre premier exemple que ce raisonnement ne tiens pas.

Mon propos consistera à montrer que l'essai clinique randomisé discrédite la guérison par effet placebo, ce qui est totalement compréhensible dans un environnement de recherche scientifique mais que ce discrédit sort du laboratoire. Pourquoi peut-on guérir pour les mauvaises raisons ? C'est la question à poser pour éviter de porter préjudice à la réflexion sur ce qu'est guérir.

Comprendre comment nous soignons, c'est se rapprocher de ce que nous entendons par guérir. Or notre définition du soin est liée à notre conception des thérapeutiques, et nos conceptions thérapeutiques sont intimement liées à l'effet placebo. Dès lors, il ne semble pas inutile de se demander quelles sont leurs relations lorsqu'on se questionne sur la notion de « guérir ».

[1] Benedetti F, et al. (2003), « Open versus hidden medical treatments: the patient's knowledge about a therapy affects the therapy outcome. », Prevention & Treatment, Volume 6 article 1.

 



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