Du corps individuel au corps social : trois dimensions collectives de la guérison du « patient zéro Ebola » au Sénégal
Alice Desclaux  1, *@  , Khoudia Sow  2@  , Gautier Ndione  1@  
1 : UMI 233 IRD  (TransVIHMI)
CRCF-Hopital Fann/Dakar -  Sénégal
2 : Centre Régional de Recherche et de Formation de Fann  (CRCF)  -  Site web
* : Auteur correspondant

L'épidémie ouest-africaine à virus Ebola a concentré les préoccupations dans le champ de la santé globale en 2014 du fait de la dangerosité (contagiosité, létalité) exceptionnelle de ce virus. Au Sénégal, le diagnostic de MVE chez une personne venue de Guinée a inféré, suivant les normes OMS, l'état de flambée épidémique, induisant une situation de crise (angoisse collective majeure et mobilisation des institutions) jusqu'à la guérison de ce patient et en l'absence d'autre contamination parmi les personnes qui avaient été en contact avec lui.

Tout comme sa maladie, la guérison du « patient zéro » fut très médiatisée. La disparition des symptômes et la négativation du diagnostic virologique, correspondant à la définition OMS, ne furent cependant pas au premier plan. Les médias et les autorités sanitaires ont articulé étroitement la guérison individuelle du patient aux aspects collectifs de la flambée épidémique.

Une analyse inspirée par Hewlett, qui a montré comment les sociétés produisent des narrations à propos des épidémies, fait apparaître que le récit -ou construction sociale- de cette interconnexion s'est déployé sur trois niveaux. Au plan épidémiologique la guérison du patient a, fort à propos, coïncidé avec la fin de la période de risque pour les sujets contacts. Au plan des représentations de l'atteinte, l'organisation du retour du patient dans son pays d'origine immédiatement après l'annonce de sa guérison bioclinique a permis de « guérir le corps social » sénégalais en ravivant la notion de « cas importé ». Au plan moral, les médias ont mis en scène la rédemption du patient demandant pardon pour le risque qu'il avait introduit dans le pays, mettant en avant par la même l'hospitalité sénégalaise à valeur identitaire (la téranga), qui effaçait en partie les réactions antérieures de rejet envers les Guinéens considérés comme vecteurs de risque.

La communication analysera les mécanismes sociaux qui ont produit cette transposition de la guérison individuelle à l'échelle collective, dans les faits et la narration, à partir de données recueillies dans le cadre du projet EBSEN.



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