L'infection à VIH a longtemps figuré une maladie inéluctablement mortelle à court ou à moyen terme, pour devenir une maladie chronique avec l'arrivée des trithérapies à la fin des années 1990. Les adolescents vivant avec le VIH doivent faire le « deuil de la guérison » et apprendre à vivre avec une maladie incurable. Cette communication a pour objectif de démêler la place singulière que la guérison occupe – en tant qu'espoir autant qu'impossibilité – dans l'expérience subjective et sociale qu'ils ont de la maladie et de décrire les effets microsociaux de ces discours dissonants. Cette communication est basée sur une étude ethnographique explorant les dimensions sociales, culturelles et genrées de l'annonce et des enfants vivant avec le VIH à Dakar. Les données ont été collectées entre mai 2013 et décembre 2014 au cours d'entretiens individuels approfondis avec les adolescents, les parents et les soignants et des observations participantes menées au sein de structures hospitalières et communautaires. L'analyse sera articulée autour de deux axes principaux. Une première partie décrypte les différents registres de discours – souvent largement relayés par les médias – auxquelles sont exposés les adolescents. Seront décrits : (i) « l'absence de guérison » et la nécessité de prendre des traitements à vie qui prédominent dans le discours sanitaire des soignants, (ii) les « guérisons tratithérapeutiques, (iii) les « guérisons miraculeuses » promues par certains acteurs religieux, (iv) les discours scientifiques relatifs aux cas récents de « guérison » (« le patient de Berlin » et « le bébé Mississippi ») et enfin (v) les nouveaux discours politiques transnationaux qui promeuvent l'idée de « l'éradication » du VIH/sida. La deuxième partie analyse les effets microsociaux ambivalents de ces discours multiples et dissonants qui créent de nombreuses incompréhensions et interrogations chez les adolescents qui cherchent à donner du sens à leur maladie. Certains discours sont notamment détournés ou mal interprétés, conduisant à présenter comme une « avancée majeure » un simple résultat intermédiaire. En dépit des effets « perturbateurs » de ces discours multiples, l'idée d'une possible guérison dans le futur « fait vibrer tout le monde au moindre espoir» pour reprendre l'expression d'un jeune. Si l'espoir de la guérison est omniprésent, les perceptions que les adolescents en ont sont variées et très hétérogènes suivant leur milieu socio-économique, leur niveau scolaire et leur accès à l'Internet qui joue un rôle croissant dans les sources d'information des adolescents. Enfin, exposés à ces différents discours dissonants, les jeunes entretiennent un « espoir mesuré » et apprennent à prendre avec précaution les informations évoquant la guérison.