Global Mental Health – enjeux liés au façonnement d'infrastructures diagnostiques et d'outils thérapeutiques dits universels et, donc, « universalisables »
Jasmine Van Deventer  1@  
1 : L'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, L'Université de Montréal, L'Institut de Recherche Interdisciplinaire sur les Enjeux Sociaux  (L'EHESS, l'UDEM, et L'IRIS)  -  Site web
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Université de Montréal - UdeM (CANADA)
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Nous proposons de nous concentrer sur les tensions dont s'accompagne la tentative de transposer des infrastructures diagnostiques en matière de santé mentale et, surtout, les instruments thérapeutiques qui leur sont associés, issus au fond, tous les deux, du champ de la psychiatrie, dans son versant transnational, et procédant donc des « centres » occidentaux qui priment au sein de celui-ci, auprès de « populations » dont l'altérité proclamée par ceux-là mêmes qui s'en considèrent leur plus rigoreux défenseurs, rendrait impertinente, voire néfaste, l'application des dites pratiques et techniques à leur égard. 

Au fond, nous aborderons les questions des régimes épistémiques prévalant dans le champ de la « santé mentale » à l'échelle internationale, et des modalités de trans-nationalisation de ceux-ci, qui émanent majoritairement de pays occidentaux. Nous nous appliquerons à saisir la manière dont les savoirs que tentent d'édifier et d'opérationnaliser des techniques diagnostiques tels que le DSM, et les outils thérapeutiques y associés, s'avèrent être profondément contingents au niveau de leur opérabilité, ce que révèle l'importance de les inscrire dans des environnements où, comme le démontre une étude de cas qu'a réalisée Andrew Lakoff, anthropologue, sur un projet de codage génomique pour le désordre bipolaire entrepris par un institut de recherche génomique français en Argentine, et qu'il mobilise pour élucider les processus à l'oeuvre dans la production de schèmes épistémiques se voulant “liquides”, ils trouveraient, “...une niche épistémique où ils pourraient s'enraciner et éclore.” Comme le souligne Lakoff, dans l'absence d'un tel contexte leur fournissant les conditions nécessaires à leur épanouissement, de tels régimes et les technologies qu'ils autorisent et qui les soutiennent en retour, risquent de se péricliter, et révèlent ainsi les limites foncièrement inscrites dans la démarche de trans-nationalisation des « infrastructures diagnostiques et thérapeutiques » à travers lesquelles les régimes de savoir et de gestion de maladies mentales cherchent à s'uniformiser et à se rendre “universellement” opérables.

Nous traiterons également de la manière dont la notion de « santé mentale », comme celle de «guérison », comportent des enjeux qui ne se trahissent pas d'emblée lorsqu'on cherche à cerner celles-là dans leurs configurations socialement définies, et que derrière l'apparente bataille entre régimes d'objectivité ayant cours dans et par ce processus de transnationalisation d'outils diagnostiques et thérapeutiques, se profile une lutte opposant les soi-disant adhérents à une scientificité « universelle », c'est-à-dire, universalisante, à ceux qui cherchent à travers l'espace de la santé mentale et, notamment, ses apports en matière diagnostique et thérapeutique, à rendre lisibles et visibles les conditions de vie et les inégalités que subissent ces populations ciblées – immigrés, refugiés, demandeurs d'asile – et à interpeller ainsi certains acteurs sur les conditions précaires de leur existence sociale, sur le plan matériel aussi bien que symbolique.

 



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