Les cancers sont, à ce jour, la première cause de mortalité en France. Entre 1980 et 2012 le nombre de nouveaux cas a considérablement augmenté chez l'homme (+107.6%) comme chez la femme (+111,4 %).[1] Alors que d'année en année cette pathologie occupe une place prépondérante, les avancées thérapeutiques ont significativement contribuées à réduire la mortalité associée. On observe, ainsi, une croissance importante du nombre de personnes atteintes d'un cancer mais aussi, l'émergence d'une population de « survivants », composée d'individus ayant été touchés par un cancer et qui, à présent, sont considérés comme « en rémission », voire guéris.
De plus en plus de personnes sont aujourd'hui amenées à vivre cette période de « l'après cancer », période où la phase aigüe de traitement est finie et où une injonction à « aller de l'avant » et se « rétablir » se dessine.
Nous proposons de nous pencher sur cette période de « l'après cancer » et de l'aborder au prisme des conditions sociales d'existence. En effet, le cancer occupe une place prépondérante dans l'inégalité sociale face à la mort. En France, sur la période 1988-1993, il représente à lui seul 47 % de l'écart dans la mortalité des hommes[2] appartenant aux catégories des « ouvriers-employés » et des « cadres supérieurs-professions libérales ».[3] Pour toutes les localisations, la plus faible survie est toujours corrélée à un statut socio-économique bas. Ainsi, le statut social et économique d'un individu détermine à la fois fortement son risque de survenue d'un cancer mais aussi le pronostic de celui-ci. On peut alors légitimement se demander ce qu'il en est face à la guérison et au rétablissement ?
Les populations précaires sont celles qui sont les plus touchées, qui ont des chances de survie moindres et des durées de survie plus courtes. Qu'en est-il face au rétablissement et dans la guérison ? Les ressources et les conditions de vie de ces populations ne les exposent-elles pas à de plus grandes difficultés pour s'engager dans un processus de rétablissement ? Inégaux dans la maladie, qu'en est-il face au « s'en sortir ? ».
Pour éclairer cette problématique nous mobiliserons les données qualitatives recueillies sur nos différents terrains d'enquête dans le cadre de notre travail de thèse qui porte sur les inégalités sociales face au cancer dans la région Nord-Pas-de-Calais. A ce jour, 300 consultations ont été observées dans des services de sénologie et d'ORL[4] de la région Nord-Pas-de-Calais, 27 entretiens ont été réalisés avec des malades (19) et des professionnels (8) et plus d'une vingtaine de réunions de groupes de parole de la Ligue contre le cancer[5] ont été observées. La campagne d'entretien est encore en cours et des RCP[6] sont actuellement observées dans un service d'ORL.
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